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Une terrible beauté est née

Texte écrit à l'occasion du concours de nouvelles Veduta/Télérama pour la Biennale de Lyon 2011. La contrainte : écrire exactement 2011 signes, le titre étant imposé.

Dur… Tellement dur… Le réveil est douloureux.

9h54, bouche pâteuse, tête cotonneuse. Je n’aime décidément pas les lendemains de soirée. Si seulement je m’en souvenais… C’était sûrement bien. Non ! C’était forcément bien ! Mais quand même, quel putain de mal de crâne ! Et encore, si ce n’était que le crâne. J’ai l’impression d’être brisé de l’intérieur.

J’enfile un sweet, l’appart est glacial. Pas de chauffage, pas de réseau, plus de café, tout fout le camp ici. Ici ou dans ma vie en général d’ailleurs. Quel vide ! Pourquoi je pense à ça dès le réveil ? Il y aurait de quoi s’ouvrir les veines. Cette sensation étouffante d’être rempli de néant, composé de rien. Etre là à poursuivre une existence insignifiante.

Je m’apprête à noyer mes idées suicidaires sous la douche quand j’aperçois quelque chose d’étrange derrière la porte. Une lueur sombre, une étincelle noire, un peu comme une beauté repoussante. Oui, mais une beauté tout de même.

J’aimerais être naïf et incrédule mais je ne comprends que trop bien. À dire vrai, je l’avais ressenti. Ce froid et ces douleurs sont loin d’être naturels.

Accablé mais serein, d’un pas fataliste, je m’approche enfin d’elle. Elle, la lueur, elle, la beauté… Elle… La Mort.

Face à face, il règne dans cette pièce froide un silence à fendre les tympans. La peur me prend à la gorge devant cette sordide réalité. À peine 25 piges et la mort effleure déjà mes lèvres…

Je suis terrifié à cette idée. Et pourtant bel et bien séduit. Je fais un pas en arrière, non par crainte, mais par désir de l’observer davantage. Connaître son visage me donne le cran de l’affronter. Je me plonge alors dans son regard aveuglant et je réalise qu’en mourrant, je viens de lui offrir la vie. Il est évident que sans moi, sans mon âme, elle ne serait pas là et sans prétention, qu’elle ne serait pas si belle. Face à un tel constat, je pourrais choisir de me battre et de me défendre, lui faire cracher ma vie qui l’a nourrie, mais une Terrible Beauté est née… Et je ne peux que m’y résigner.


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